Thierry Diers "The Hollow Men"
Exposition "The Hollow Men"
29 novembre - 12 décembre 2015
".../Thierry Diers est un peintre expressionniste abstrait. Ses toiles, d'ordinaire, présentent de grandes salves de couleurs, violemment ordonnées sur le plan. Elles sont sentimentales, intimes et universelles, invitent à l'introspection, à l'émotion, ou encore à un certain rapport physique avec la matière picturale. Il y est rarement question de figure humaine, jamais de politique.
Pourtant, ici, l'artiste a ressenti le besoin urgent de représenter directrement ce dont il a été témoin. La série des "Hommes creux" est une anomalie dans le parcours de Diers, un surgissement impératif qui commandait une affirmation claire.../"
".../En découvrant les peintures de Thierry Diers, je pensais aussitôt à ces Hollow Men de Eliot mais dans leur version contemporaine "costumée" et "contenue". Contenance et costume, attitude et habit - voilà qui déguise leur vide.
Vide vraiment ? Pas si certain.
Diers suggère que derrière la contenance il y a non pas rien, mais du contenu, du soustrait, du refoulé, quelque chose de tu. C'est pourquoi il n'a gardé que la contenance en neutralisant les visages qui restent blancs. Parfois du rose ou des hachures pour suggérer qu'en dessous ça bout, cuit et recuit.
Car après tout, ils sont humains comme nous et nous n'avons pas plus le priviège d'être "pleins" que eux le malheur d'être vides. Simplement, ils ne doivent pas le montrer, rester impassibles ou avenants, ou souriants d'un sourire cosmétique qui ne veut surtout rien dire. Ils ne doivent rien trahir, ni émotions ni arrière-pensées, ni anticipations, encore moins décisions. Ils doivent avoir le visage froid et lisse du pouvoir. A peine se permettent-ils de sourire, mais ce n'est pas vraiment un sourire, juste une manière de laisser glisser les choses. Ce sont de sortes de mannequins humains. Ils sont devenus ces personnages. Ils ne jouent même pas double jeu : ils sont tels qu'ils sont en représentation.../...
.../En peignant ses Hollow Men à lui, Diers va plus loin que ceux qui les caricaturent sous prétexte de condamnation de l'ultralibéralisme ou de je ne sais quel nouvel avatar du capitalisme : il les montre vides sans même nier leur humanité.
Après quoi, Thierry Diers a repris son cheminement de peintre, dans l'atelier où il est toujours. Il a depuis enrichi et compliqué son abstraction figurative. Dans son obstination d'artiste osant pareils changements, il y a beaucoup qui me fait penser à un grand de l'expressionnisme abstrait, Philip Guston.
L'intermède de ces postures de pouvoir est en ce sens plus qu'un intermède - c'est une étape dans un parcours pictural et intellectuel, avec la même lucidité que dans le reste de l'oeuvre. Ce qui en fait la force.
Extrait du texte d'Yves Michaud, 1er octobre 2014